Fonction publique : la tentative de suppression des catégories A,B et C
- ejconseil44
- 12 nov. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 7 jours

En mai 2024, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, a proposé une réforme audacieuse : la suppression des catégories A, B et C dans la fonction publique. Cette annonce, destinée à moderniser le statut des fonctionnaires, a provoqué de vifs débats. Voici un tour d’horizon de cette proposition, des réactions qu’elle a suscitées et de ce qu’elle révèle sur les perspectives de transformation de la fonction publique.
Contexte : Pourquoi vouloir supprimer les catégories A, B et C ?
Actuellement, les agents publics sont classés en trois catégories :
Catégorie A : généralement accessible avec un niveau Bac+3 ou Bac+5 et impliquant des postes à responsabilité.
Catégorie B : pour des fonctions intermédiaires, souvent accessibles avec un baccalauréat.
Catégorie C : accessible sans diplôme particulier et correspondant principalement à des missions d’exécution.
Ce système, en place depuis plusieurs décennies, est bien ancré dans la gestion des carrières publiques. Toutefois, pour le ministre Guerini, il serait devenu un frein à la mobilité professionnelle et à la valorisation des compétences des agents. Ces catégories sont perçues comme imposant des « plafonds de verre », rendant difficile l’accès aux échelons supérieurs et cloisonnant les agents dans des parcours peu évolutifs.
Cette réforme visait donc à décloisonner les carrières, valoriser les compétences acquises et permettre une gestion plus souple des parcours professionnels.
Les réactions : Un accueil contrasté

Cette proposition de suppression des catégories a été reçue de manière mitigée. Les partisans de la réforme y voyaient une opportunité de moderniser la fonction publique en encourageant la mobilité et l’évolution professionnelle des agents. Pour eux, l’adoption d’un modèle fondé davantage sur les compétences et les acquis de l’expérience permettrait de mieux répondre aux attentes des agents et aux besoins de l’administration.
Cependant, de nombreuses critiques ont également émergé, notamment de la part des syndicats, qui ont exprimé de vives inquiétudes. Ces derniers craignaient notamment :
Une perte de repères : les catégories offrent actuellement des perspectives de carrière claires et structurées pour les agents. Leur suppression pourrait amener une confusion et une incertitude quant aux parcours professionnels.
Une diminution de la transparence : les grilles de progression salariale et d’évolution de carrière sont aujourd’hui directement liées aux catégories. Un modèle sans catégories risquerait de créer des situations moins équitables, où l’avancement dépendrait davantage de la subjectivité et de la politique interne.
Une remise en question des garanties statutaires : les syndicats redoutaient que la réforme affaiblisse les droits acquis et diminue la sécurité statutaire des fonctionnaires, particulièrement pour les catégories B et C.
Face à ces résistances, le projet a dû être réévalué. Le 8 novembre 2024, le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, a ainsi annoncé l’abandon du projet de suppression des catégories après des négociations avec les syndicats, montrant la complexité de la réforme dans ce secteur.
Analyse : Que révèle cet abandon ?
L’échec de cette réforme souligne les défis que rencontre toute tentative de modernisation de la fonction publique en France. Malgré une volonté affichée d’adapter la fonction publique aux exigences d’aujourd’hui, il est difficile de dépasser des cadres institutionnels bien établis. La méfiance vis-à-vis du changement, alimentée par un attachement aux garanties statutaires et aux repères de carrière traditionnels, freine la mise en œuvre de nouvelles approches.
Pourtant, la question de la modernisation reste essentielle, surtout face aux nouveaux enjeux de gestion des talents, de compétences et d’adaptation de l’administration aux réalités économiques. La suppression des catégories n’était peut-être pas la solution idéale, mais elle a le mérite d’avoir mis en lumière plusieurs problématiques :
1. Le besoin de valoriser les compétences et l’expérience : Beaucoup d’agents se sentent bloqués par des barrières statutaires. Une réforme pourrait permettre de reconnaître davantage l’expérience et les compétences, en facilitant la mobilité entre les échelons et en renforçant la progression de carrière.
2. La nécessité de transparence et d’équité : Un des défis est de moderniser la fonction publique sans nuire à l’équité de traitement et aux droits des agents. Toute réforme doit être transparente et garantir des parcours professionnels justes et accessibles.
3. L’importance du dialogue social : L’abandon de la suppression des catégories montre l’importance d’impliquer les syndicats et les agents dans les discussions de réforme. Une démarche de consultation plus approfondie pourrait permettre de trouver des solutions conciliant innovation et garanties statutaires.
Perspectives : Comment moderniser sans déstabiliser ?
Si l’idée de supprimer les catégories a été abandonnée, elle ouvre la voie à des discussions importantes sur l’avenir de la fonction publique. Pour réussir une modernisation qui respecte à la fois les attentes des agents et les besoins de l’administration, il serait pertinent de :
Promouvoir des passerelles et des mécanismes de progression basés sur les compétences : La création de parcours professionnels transversaux, indépendants des catégories, pourrait encourager une plus grande flexibilité sans pour autant supprimer les repères statutaires.
Assurer une montée en compétence des agents : Par des formations continues et des programmes de développement, les agents publics pourraient être mieux préparés à évoluer dans leurs missions, tout en valorisant leurs compétences acquises.
Renforcer le dialogue avec les partenaires sociaux : L’implication des syndicats et des représentants des agents dès le début des discussions est essentielle pour garantir une réforme acceptée par tous.
En conclusion, cette tentative de réforme montre qu’une transformation en profondeur de la fonction publique est nécessaire, mais qu’elle doit être menée avec prudence et en concertation. Moderniser la fonction publique est possible, mais cela nécessite une approche équilibrée, respectueuse des valeurs qui fondent le statut des fonctionnaires en France.



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